La parole est aux Etudiants
Mai 1955 -L’Ecole Normale en voyage.
La Section Littéraire à Paris
MONTMARTRE…
Les élèves de seconde littéraire ont fait, cette année, leur traditionnel pèlerinage à Paris, centre intellectuel et artistique du monde entier.
Profitant d’une après-midi de liberté, nous avons décidé à quelques-uns, de nous rendre au Sacré-Cœur, dont la visite n’était pas inscrite au programme.
Pour atteindre la butte Montmartre, nous avons emprunté la rue Lepic qui est assurément l’une des artères les plus animées de Paris.
Laissant derrière nous le Moulin de la Galette auquel Renoir consacra une toile que nous avions admirée le matin même au Louvre, nous arrivons enfin sur la place du Tertre, au pied de la Basilique. Et tout de suite, nous sommes pris par l’atmosphère enfiévrée de ce coin pittoresque du Vieux Paris. Partout de jeunes peintres barbus et dépenaillés essaient de créer le chef d`œuvre qui leur fera un nom. Toutes les langues du monde s’y entendent, à tout moment, des cars y débarquent des touristes souriants : ici des riches Yankees choisissant des tas de souvenirs, là des Espagnols écoutant religieusement les explications de leur guide.
La visite de la Basilique ne nous a pas déçus: le Sacré-Cœur est assurément l’un des monuments les plus imposants que nous ait donné l’art chrétien pendant la période contemporaine.
De sa terrasse, on découvre toute la ville. Nous sommes restés longtemps à regarder Paris qui s’étendait à nos pieds. Certes le panorama ne différait pas de celui que l’on peut avoir de toutes les grandes villes : nous y retrouvions le même entassement des maisons, les mêmes rues étroites déboulant sur quelques artères plus importantes. Mais nous aimions y découvrir les monuments que nous avions visités durant notre séjour et qui, eux, sont uniques au monde : le Louvre qui abrite les chefs-d’œuvre de toutes les époques depuis la Vénus de Milo jusqu’aux tableaux tourmentés de Van Gogh, Notre-Dame de Paris, le spectacle permanent offert par les quais de la Seine, la tour Eiffel dont la silhouette est devenue le symbole de la capitale française.
Ce n’est pas sans regret que nous sommes redescendus vers la ville car nous pensions que déjà notre voyage touchait à sa fin alors que tant de choses encore nous restaient inconnues.
PARIS-SIXIEME
La popularité dont jouit à l’étranger le quartier de Saint-Germain-des-Prés est due à ses << cafés littéraires et à ses << Caves >› où se manifeste la philosophie des hurluberlus du siècle.
Le touriste pénètre dans le sixième arrondissement avec l`espoir, vite déçu, d’y découvrir l’originale tribu.
Des rues calmes et étroites du vieux quartier, bordées de vitrines d’antiquaires, se dégage une atmosphère étrange que l’on ne rencontre nulle part ailleurs. Ce quartier de Paris est le quartier de l’histoire, du souvenir et de l’intellectualité. L’école des Beaux-Arts, la faculté de médecine, l’Institut de France, groupés autour du Vieux clocher de Saint-Germain, protègent de la pioche urbaniste les sombres venelles où Racine vécut et où rêva Gérard de Nerval.
Saint-Germain-des-Prés est un monde dans l’univers de Paris, cette ville dont Eustache Deschamps disait :
<< Tuir estrangier l’aiment et aimeront
Car pour déduit et pour être jolie
Jamais cité telle ne trouveront.
Rien ne se peut comparer à Paris.
Pierre CHAPELLE 1ère littéraire.
A PROPOS DE VERSAILLES
Le second jour de notre voyage au cœur de la France nous réserva une matinée faste entre mille. Trois châteaux défilèrent devant nos yeux inaccoutumés à enregistrer d’aussi vives clartés.
De la Malmaison, nous n`entrevîmes que la façade, à travers les grilles. Cela nous suffit peut-être pour matérialiser rapidement l’ombre de la Martiniquaise, flottant, avec nonchalance, dans les allées du parc.
Le Grand Trianon, vu de l’extérieur également mais de plus près, nous laissa une impression d’abandon et de tristesse : un peu comme un nouveau Château de la Belle au Bois Dormant, un château qui attendrait immobile et majestueux, l’heure de son réveil.
Que nous apporterait Versailles après cela ? Ce fut un couronnement qui nous paya du reste.
Deux siècles de prestige nous contemplaient.
Je voudrais, parodiant Mme de Sévigné, conter la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus étourdissante, la plus inouïe qui sait.
Mais, par le truchement du cinéma, Sacha Guitry le fit bien mieux que je ne pourrai jamais le faire, même avec des mots divins.
La seule ressource est d’y aller voir. Car Versailles ne peut venir à nous, ni par des phrases, ni par des reproductions. Versailles se voit.
De la Cour intérieure à la Galerie des Glaces, de la statue équestre de Louis XIV à l’Escalier de la Reine, en passant par le Cabinet du Conseil à la Bibliothèque du Dauphin, ce n’est qu’un festival de beauté grandiose.
Tapisseries et plafonds peints, meubles et décorations, tout s’étale avec bonheur et équilibre.
Nous ne visitâmes qu’une infime partie du château, et cependant, sans le fil d’Ariane personnifié par notre guide, nous aurions éprouvé des difficultés pour sortir de ce dédale.
Nous aurions souhaité y demeurer plus longtemps, tant il nous plaisait de goûter à cette tranche de la plus belle histoire du monde, tant notre pensée se sentait flattée de pouvoir imaginer en rêve le va-et-vient des courtisans, les sourires discrets de Marie-Thérèse, le noble maintien de la Polonaise ou la démarche si souple de Marie-Antoinette !
Il nous aurait été agréable aussi, tels de nouveaux Asmodée, de découvrir les faits et gestes des personnages illustres qui peuplèrent ce palais aux multiples joyaux.
Mais la barrière des siècles nous ramena bien vite à la réalité.
Que dire de plus pour traduire nos plus intimes impressions?
Que Versailles, à l’époque, répondait à un besoin, à une aspiration vers la grandeur.
Franz VANHELLEPUTTE 2ème Littéraire