Souvenirs d’ Antan
Hygiène normalienne
Une visite aux salles de douches ou dans les chambrettes toutes pourvues de leur globe électrique, me reporte au temps des « pédiluves » et des becs papillons.
Vous souvenez-vous, anciens d’avant 1914, de la salle située auprès de la chapelle- ? On y voyait, à l’époque, 25 petits bassins en zinc dans lesquels les normaliens pouvaient se laver les pieds une fois tous les quinze jours en hiver, et une fois par semaine en été. Quel luxe ! J’avais en effet, au cours de mon passage dans une autre école normale du pays, connu le bac unique légèrement incliné, bac cimenté semblable à ceux dans lesquels on verse le manger des animaux, et qui faisait le tour d’une salle étroite. Ce bac était rempli avant l’arrivée des élèves d’une classe ; les quarante ou cinquante pieds étaient plongés, lavés dans la même eau. L’opération terminée, une broche placée à la partie la plus basse du bac était enlevée ; l’eau s’écoulait, et, une fois le bac vidé, on replaçait la broche, on remplissait à nouveau et une seconde série d’élèves pouvait se présenter ; Nous avions au moins notre bassin individuel !
Mais il y avait mieux que les « pédiluves ». Dans un couloir contigu, quatre baignoires furent installées. Chaque jeudi, une douzaine d’élèves étaient autorisés à prendre un bain. On commençait par les ainés de quatrième année et l’ordre alphabétique était rigoureusement respecté.
Mon nom commençant, comme vous le savez, par une des premières lettres de l’alphabet, je ne pus bénéficier de ce bain du jeudi avant mon arrivée en troisième année. Mes condisciples Neerdael, Wambersy et Vere y en furent tout aussi privilégiés.
Plus tard, huit cabines séparées par des cloisons en tôle provenant des dortoirs furent aménagées près du gymnase. Les élèves posaient leurs vêtements sur des bancs disposés autour de la salle. C’était encore rudimentaire mais dès lors, chacun bénéficia d’un bain hebdomadaire.
A la même époque, les dortoirs étaient éclairés par des becs « papillon ». Dernier vestige de cette installation : les tuyaux courant encore le long des alcôves des anciens dortoirs.
Une alcôve sur deux était garnie d’une tige munie d’un robinet que le chauffeur devait ouvrir chaque matin avant le lever et fermer après la descente des élèves ; l’opération se renouvelait le soir : allumage avant neuf heures, extinction après le coucher.
Avons-nous maudit le brave chauffeur qui venait nous tirer d’un sommeil de plomb les matins d’hiver ! Dès 1910 le système fut modernisé par le placement de becs Auer. J’entends encore la réflexion d’un normaliste de Quaregnon quand, en 1911, par suite de travaux de peinture effectués dans les dortoirs, il fallut momentanément occuper un dortoir désaffecté et éclairé par les becs papillons. Le premier soir, stupéfait par les pauvres petites flammes dansantes, il s’écria : « C’t in sépulch, çou-ci ! »
Et pourtant, nous n’étions pas moins heureux que les jeunes d’aujourd’hui qui connaissent la douche quotidienne après chaque leçon d’éducation physique et qui se rasent le matin, dans une chambre chauffée, sous un globe électrique. Notre bonne humeur nous tenait lieu de confort.
Maurice WAUQUIER