Souvenirs D’ Antan
Notre sympathique économe honoraire, M. Wauquier, Maurice pour ses nombreux amis, Bouboule pour tous les Anciens, veut bien conter ici pour les diplômés d’il y a un quart de siècle et plus, quelques savoureux souvenirs. Il nous entretient aujourd’hui des règlements d’ordre intérieur de cette époque.
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Le règlement d’ordre intérieur des écoles normales date de 1882. L’arrêté du 31 mars 1923 prévoit la publicité à donner au dit règlement : « Dès l’entrée des élèves, les articles du règlement d’ordre intérieur qui les concernent leur sont dictés » (art. 70).
Bien avant 1923, cette mesure était appliquée à l’école normale de Mons. Et il ne s’agissait pas du règlement officiel, modéré et concis, mais d’un règlement propre à l’école, enrichi d’année en année, rigoureux, gonflé, massif, renfermant 198 articles comprenant pour la plupart pas mal de subdivisions et de nombreux « addenda ».
Il était dicté durant les récréations et chaque normaliste devait posséder un cahier contenant tous les articles. Ce travail de dictée était le cauchemar tant des élève que du personnel. Aussi, certains soirs, un maître d’études, énervé par cette besogne fastidieuse, dicta-t-il bravement aux élèves :
Article 4. : « El sien qui n’a nié d’ toubac, i d’aquate »…
Etonnement général, toutes les têtes se relèvent et le maître d’études de reprendre alors sans broncher le texte véritable du dit article.
Que les temps ont changés ! Lorsque nous racontons à ceux d’aujourd’hui comment les normaliens étaient traités autrefois, ils ne veulent pas nous croire et pour un peu, ils se moqueraient de nous. Pour leur édification, je vais reprendre au hasard, quelques articles du fameux règlement :
Article 9 : – Il est défendu :
a) de parler wallon,
b) de cracher par terre,
c) de mettre les mains dans les poches du pantalon,
d) d’agacer ses condisciples,
e) de porter les cheveux longs aussi bien par devant que par derrière,
f) de mettre les pieds sur les traverses des chaises.
Article 31 : – Il est défendu:
a) de fumer dans la galerie, sauf en cas de pluie ;
b) de stationner et de former des groupes ;
c) de chanter, siffler, crier ;
d) de courir d’une façon désordonnée ;
e) de jeter des débris de papier, de tabac, etc…etc…, dans la cour et les galeries ;
f) de déplacer les bancs de la cour et de se bousculer ;
g) de jeter de la neige ;
h) de quitter la cour sans permission et d’ entrer dans les classes pendant les récréations ;
i) de sauter au-dessus des bancs ;
j) de rompre les rangs avant d’ avoir dépassé le bureau ;
k) de toucher aux cadres de la galerie ;
l) de se livrer à des jeux de mains.
Et soyez persuadés que toutes ces défenses étaient scrupuleusement observées. Le personnel surveillant les faisait appliquer à la lettre par crainte de remontrances de l’autorité. Mais les jeunes gens parvenaient souvent à tourner les difficultés : ainsi, comme ils ne pouvaient cracher par terre, ils s’évertuaient à le faire sur le tronc des arbres de la cour.
Voulez-vous être convaincus. Je relève dans les cahiers d’observations de l’époque les motifs de sanctions que voici :
« Auverdin : recouvre ses cahiers à l’étude ; se regarde dans un petit miroir.
« G. Cornet : parle wallon – traine près des casiers.
« Pécriaux : parle en cirant ses souliers.
« Neerdael : pousse des cris de paon effarouché.
« Wauquier : frappe avec sa canne sur les pavés pendant la promenade. Tout, absolument tout, était prévu dans ce règlement.
Au chapitre du réfectoire, l’article 90 porte : « Chaque élève a droit à trois cuillerées de sauce »
Je ne puis vous faire connaître les 198 articles ni leurs a, b, f, k,…….. mais je terminerai par le n° 111 qui vous laissera rêveurs. Le voici dans toute sa candeur :
« Un élève ne peut demander à sortir d’une classe ou d’une étude que pour indisposition sérieuse. Il doit demander l’autorisation et ce n’est que lorsque celle-ci est accordée qu’il peut rédiger, en double, un billet ainsi conçu : L’élève …. a été autorisé à sortir de (la leçon, l’étude) à …..(heure précise) pour cause d’indisposition sérieuse.
Date ……………………
Le professeur ou le maître d’études.
Il porte aussitôt l’un des exemplaires signés dans la boîte aux lettres du Directeur et remet l’autre au maître d’études de service. Cependant, si l’indisposition se prolonge au-delà de 15 minutes, l’élève doit se rendre au lit après avoir averti le maître d’études ».
Après cette dernière citation c’est ce qui me reste de mieux à faire. Si vous le voulez, nous égrènerons encore quelques souvenirs dans un prochain numéro.
Maurice WAUQUIER